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Au gré des marées

Revue trimestrielle
Richard Morin

Richard Morin

Mise à jour :
17
April
2023
Mise à jour :
April 17, 2023

« Ce n’est que lorsque la marée se retire qu’on découvre qui se baignait nu ». -Warren Buffett

Nous venons de connaitre l’une des plus grandes marées de l’histoire moderne des marchés financiers. Les taux d’intérêt près de 0% et les injections de liquidités dans le marché par les banques centrales (le Quantitative Easing) jusqu’au début de 2022 avaient poussé toutes les classes d’actifs à des niveaux records – actions, obligations et immobilier.

Le retour de la marée basse a été brutal : à partir de mai 2022, les banques centrales ont orchestré la hausse de taux d’intérêt la plus forte et la plus rapide depuis les années 70-801. Les premières victimes de cette hausse de taux ont été les obligations, en baisse de 12% en 2022, et les actions de technologie/NASDAQ, en baisse de 33%.

C’est ensuite l’immobilier qui a subi le ressac. Comme c’est généralement le cas, c’est d’abord le volume de ventes de maisons qui a chuté drastiquement – les acheteurs restant en touche – avant que la valeur des maisons commence à baisser. Au Canada, la baisse du prix de vente moyen depuis un an est de 19%.

Les banques régionales américaines

On observe maintenant un troisième type de victimes de la hausse des taux d’intérêt : les banques au bilan fragile ou dont les activités ou le portefeuille manquent de diversification, particulièrement les banques régionales américaines. 3 d’entre elles ont récemment fermé leur porte ou ont dû être rachetées par une autre banque. La hausse des taux affecte ces banques de 2 façons. D’une part, elles perdent des dépôts puisque les épargnants se tournent vers les certificats de placement et les fonds de marché monétaire qui offrent des taux plus élevés, ou encore vers des banques plus sures. D’autre part, ces banques avaient investi une portion importante des dépôts dans des obligations du trésor américain, dont la valeur a beaucoup baissé en 2022, les forçant à réaliser des pertes, qui fragilisent leur bilan et mine la confiance des déposants. Et, comme on a pu l’observer, l’espérance de vie d’une banque qui perd la confiance de ses déposants se compte en heures.

Remarquez, que 3 banques régionales américaines ferment ou fusionnent n’a rien d’une hécatombe. Lorsque la banque centrale américaine a haussé son taux directeur à plus de 20% (!) en 1981, ce sont plus de 1 000 institutions de dépôt (Savings and Loans Associations) qui ont dû fermer leurs portes ou être réorganisées.

Soyez sans crainte cependant, rien de tel ne se produira au Canada. Même si on aime bien critiquer l’oligopole bancaire canadien, nos banques sont parmi les plus mieux capitalisées, diversifiées et règlementées au monde.

Nous ne sommes sortis du bois pour autant. L’histoire nous enseigne en effet que l’impact complet d’une hausse de taux d’intérêt comme celle amorcée l’an dernier arrive souvent avec 2 ans de retard. Bon nombre d’économistes prédisent donc une récession plus tard en 2023 ou en 2024. L’un d’entre eux prédit rien de moins qu’une apocalypse2. Doit-on écouter ces économistes?

Votre portefeuille n’est pas un hedge fund

Sauf tout le respect qu’on doit aux économistes, s’ils pouvaient systématiquement prédire l’avenir, ça se saurait. Or, ce n’est pas pour rien que la science économique est connue comme la dismal science : c’est la plus inexacte des sciences. Ce n’est pas que les économistes soient incompétents, c’est plutôt la tâche qui est impossible. L’économie mondiale est un système infiniment complexe et les mouvements des marchés financiers défient souvent toute logique.  Lorsque les économistes prédisent une récession, un bear market ou autres, on doit donc plutôt considérer que ce sont des scénarios « probables », mais loin d’être certains.

Alors, y aura-t-il une récession mondiale en 2023? Peut-être. Sera-t-elle accompagnée d’un bear market? Peut-être. Devrait-on liquider une partie de son portefeuille d’actions aujourd’hui en prévision d’une baisse?

Ça dépend.

Si vous êtes un gestionnaire de hedge fund et que votre (très généreuse) rémunération est liée à votre capacité de générer des rendements même lorsque les marchés descendent, vous pourriez vendre des actions pour vous protéger de l’éventuelle baisse – et même vendre à découvert si vous êtes vraiment convaincu – afin d’en profiter. Si vous gagnez votre pari, vous recevrez des millions (voire des dizaines ou des centaines de millions!) en bonus de performance. Si vous perdez votre pari…vous pourrez toujours recommencer ailleurs!

Mais voilà, vous ne gérez pas un hedge fund3, mais plutôt votre propre fonds de retraite. Vous ne pouvez pas vous permettre de « parier » sur un scénario de marché – aussi probable puisse-t-il vous paraitre – parce que si vous vous trompez, vous ne pourrez pas « recommencer ailleurs ».

C’est pour cette raison que – comme le font les fonds de pension – vous devez suivre 3 règles importantes dans la gestion de votre portefeuille :

Diversification. Évitez de concentrer votre portefeuille dans un secteur. Les FNB indiciels sont un excellent outil de diversification puisqu’ils investissent dans l’ensemble des secteurs;

Équilibre. Maintenez un équilibre entre les actions et les obligations dans votre portefeuille;

Garder le cap sur votre répartition cible. Vous avez déterminé le pourcentage cible d’actions et d’obligations de votre portefeuille selon votre profil d’investisseur et votre horizon de placement. N’en dérogez pas, peu importe les prédictions des économistes et les conditions de marché.

Tout vient à point à qui sait attendre

D’ailleurs, ceux qui ont eu la discipline de ne rien faire ont été récompensés, puisque le portefeuille équilibré (60% actions et 40% obligations) a déjà recouvert la moitié de la baisse de 2022, avec une hausse de près de 5% au premier trimestre. Ironiquement, c’est parce que les marchés anticipent un ralentissement économique – et donc une baisse des taux d’intérêt – que les actions de technologie/NASDAQ et les obligations sont en hausse. Personne n’avait prédit un tel scénario.

Revue des marchés

Classes d'actifsRendement en C$
1er trim.AÀD
Obligations canadiennes3.2%3.2%
Actions
- Canadiennes4.6%4.6%
- Américaines7.2%7.2%
- Internationales (EAFE)7.8%7.8%
- Marchés émergents3.8%3.8%

Actions canadiennes : on aime nos banques

Les actions canadiennes ont clôturé le premier trimestre en hausse de 4,6%. Comme sur la plupart des grandes bourses, c’est le secteur de la technologie qui a mené le bal, expliquant à lui seul près de 40% de la performance de la bourse canadienne.

Contrairement aux autres marchés cependant, le secteur bancaire canadien n’a pas trop subi les contrecoups de la crise qui a mené à la fermeture de 3 banques américaines et au mariage forcé de Crédit Suisse avec UBS.  C’est normal puisque nos banques sont beaucoup plus solides – et généralement mieux gérées – que la majorité des banques étrangères. Prenons à titre d’exemple la plus petite des grandes banques canadiennes, la Banque Nationale. Si elle devait soudainement réaliser l’ensemble des pertes latentes sur son portefeuille d’obligations – c’est essentiellement ce qui a mené à la fermeture de la Silicon Valley Bank – l’impact serait équivalent à moins de 2 trimestres de profits et elle continuerait à dépasser largement les exigences de capital qui lui sont imposées par les régulateurs.

En fait, la « crise bancaire » aura été indirectement bénéfique pour le marché boursier canadien puisque bon nombre d’investisseurs se sont réfugié dans l’or, dont regorge le Canada. Depuis l’annonce de la fermeture de la SVB, son cours est en hausse de plus de 9%, contribuant au bon trimestre du secteur des matières premières (+7,5%).

Après avoir permis à la bourse canadienne de se hisser près du sommet des pays développés l’an dernier, l’énergie est l’unique secteur terminant dans le rouge au cours du trimestre (-3,6%). Le cours du baril continue en effet le repli amorcé l’été dernier. Il est maintenant en baisse de 37% par rapport à son sommet de 2022.

SecteurRendements
S&P / TSX
Composite
S&P 500
(en USD)
Énergie-3.6%-5.6%
Matières premières7.5%3.8%
Industrie6.2%3.0%
Consommation discrétionnaire4.0%15.8%
Biens de consommation de base7.5%-0.2%
Soins de santé (incluant cannabis)0.4%-4.7%
Finance0.6%-6.1%
Technologie de l'information26.5%21.5%
Communication1.9%20.2%
Services publics5.6%-4.0%

Actions américaines : les technos rebondissent

Les signes de ralentissement de l’inflation ont soulevé un vent d’optimisme chez les investisseurs américains, malgré les turbulences dans le secteur financier. Les titres de technologie et de croissance expliquent en bonne partie la performance de 7,2% de l’indice S&P 500.

Après avoir été malmenés l’an dernier, les titres de technologie et de croissance – très sensibles aux taux d’intérêt – ont largement bénéficié de la baisse des taux obligataires 10 ans au cours du trimestre. Les trois entreprises les plus performantes au cours du trimestre appartiennent au secteur technologique soit NVIDIA (+87%), Meta (+73%) et Tesla (+59%).

La baisse des taux obligataires aura été trop peu, trop tard pour la Silicon Valley Bank et les 2 autres banques régionales américaines qui ont succombé durant le trimestre. D’autres titres du secteur financier ont aussi souffert, comme la First Republic Bank (-89%) et Charles Schwab (-37%). Le secteur financier dans son ensemble est donc en baisse de 6,1%.

Actions internationales : l’Europe en forte hausse

L’indice MSCI EAFE des bourses internationales est en hausse de 7,8% (en CAD) sur le trimestre.

Ni les tribulations de Crédit Suisse et son mariage forcé à UBS, ni les hausses rapides du taux directeur par la Banque centrale européenne n’ont entamé l’optimisme des investisseurs européens. L’indice des actions européennes STOXX 600 est en hausse de 8,4% sur le trimestre.

Ce sont les actions françaises, en hausse de 12,3%, qui ont le plus contribué au rendement des actions internationales au cours du trimestre. La réouverture de la Chine devrait en effet augmenter la demande pour les biens de luxe comme ceux offerts par Louis Vuitton et Yves St-Laurent.

Pour les mêmes raisons, les actions allemandes – propulsées par la performance de ses fabricants automobiles – ont clôturé le trimestre en hausse de 12,5%.

Marchés émergents : faux départ pour les actions chinoises

L’indice MSCI Emerging Markets a affiché un rendement de 3,8% en CAD pour le 1er trimestre de 2023.

En réponse à sa réouverture au monde extérieur, l’année avait commencé en lion pour la Chine, en hausse de 17% en janvier. Malheureusement, la hausse des tensions géopolitiques avec les États-Unis a depuis mis un frein à l’élan haussier. Les actions chinoises ont terminé le trimestre avec une hausse de 4,7%.

La remontée des titres technologiques ne s’est pas limitée aux marchés développés, profitant ainsi éminemment aux bourses de Taiwan et de la Corée du Sud en hausse de 13,8% et 13,6% respectivement.

Ce fut un trimestre plus difficile pour le marché indien, en baisse de 6,6%. Des allégations de fraudes et de manipulation de prix survenus au cours des derniers mois nous rappellent que l’Inde a encore beaucoup de travail à faire avant d’être considérée comme un marché développé.

Obligations : y aura-t-il une récession (bis)?

Le portefeuille obligataire a généré un rendement de 3,2% au premier trimestre. En plus de l’intérêt courant versé au cours du trimestre, leur cours a en effet monté, résultat d’achats nets importants des investisseurs.

Source: National Bank of Canada, Bloomberg

Les investisseurs ont en effet clairement retrouvé leur appétit pour les obligations, puisqu’ils ont acheté plus de FNB d’obligations (5,4 milliards) que de FNB d’actions au cours du trimestre. Les obligations sont attrayantes non seulement parce qu’elles procurent des versements d’intérêt plus élevés, mais aussi parce qu’elles offrent un certain degré de protection en cas de récession. La récente baisse du rendement à échéance des obligations américaines échéant dans 10 ans de 4,2% à 3,5% (et l’accroissement de valeur correspondant) donne un avant-goût de la protection qu’offriront les obligations en cas de récession.

Si l’on n’écoute pas trop les oiseaux de malheur, on protège quand même son portefeuille avec une bonne dose d’obligations.

Sources

[1] Au début de 1977, la Federal Reserve a entamé un cycle de hausse de son taux directeur afin de juguler l’inflation causée par le choc pétrolier. Ce taux a culminé à 20,61% en 1981.

[2] Radio-Canada, Les faits d'abord

[3] Consolez-vous : le hedge fund moyen a généré un rendement annuel de 5,0% de 2011 à 2020, presque 3 fois moins que les 14,4% du S&P500