Inflation quand tu nous tiens - Revue 1er trimestre 2021
Revue trimestrielle
Revue trimestrielle
S’il nous était donné de pouvoir prédire l’évolution d’une seule donnée économique, nous choisirions sans doute l’inflation.
Pourquoi? D’abord, c’est l’inflation – ou du moins l’anticipation d’inflation – qui détermine les taux d’intérêt et donc le rendement des obligations de gouvernements qui constituent environ le tiers d’un portefeuille équilibré.
Par ailleurs, puisque les investisseurs s’intéressent au rendement réel de leur portefeuille (i.e., après inflation), l’inflation a aussi une grande influence sur les cours boursiers. De l’autre côté, un peu d’inflation est bon pour les profits des entreprises, qui peuvent augmenter leurs prix au rythme de l’inflation tout en contrôlant leurs coûts. Trop d’inflation n’est bon pour personne.
L’inflation influence aussi le leadership en bourse. Par exemple, les taux d’intérêt bas qui accompagnent une faible inflation favorisent les entreprises de croissance, notamment la technologie. Une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt profitera généralement aux principaux secteurs de la bourse canadienne : banques, énergie et ressources.
C’est dans ce contexte qu’on doit analyser le rendement du portefeuille au premier trimestre de 2021. Les actions et les obligations ont fluctué au gré des anticipations d’inflation. Et comme on le mentionnait dans une lettre antérieure, 2 écoles de pensée diamétralement opposées s’affrontent concernant l’évolution du taux d’inflation. L’une prédit que les milliards en liquidité injectés dans l’économie par les banques centrales et les gouvernements mèneront tôt ou tard à une inflation galopante. L’autre école de pensée – incluant les tenants du Modern Monetary Theory - maintiennent qu’il n’y a pas de risque de poussée inflationniste durable tant que nous ne sommes pas en situation de plein emploi.
Au cours du trimestre, plusieurs données économiques ont semblé donner raison aux premiers, notamment les ventes au détail et l’emploi. Les investisseurs ont réagi en exigeant un taux d’intérêt plus élevé : celui sur les obligations du trésor américain échéant dans 10 ans est passé d’environ 0,92% à près de 1,75% (il est de 1,55% au Canada). Cette hausse rapide des taux explique que le portefeuille d’obligations ait généré un rendement négatif de -5,0% au premier trimestre.
Parlant d’inflation, on ne peut s’empêcher de noter que le cours de l’or est en baisse de 10% sur le trimestre, malgré la hausse des anticipations inflationnistes. Pour la protection contre l’inflation, on repassera!
La bonne nouvelle pour les investisseurs canadiens est que cette hausse des anticipations d’inflation a favorisé la bourse canadienne, qui a généré un rendement de 8,1%, contre 4,7% pour les actions américaines (en C$).
Dans l’ensemble, les portefeuilles équilibrés ont bien traversé ce trimestre relativement volatil. La prudence demeure cependant de mise puisque les actions – particulièrement les titres de la nouvelle économie – se transigent à des niveaux historiquement très élevés, ce qui mènera tôt ou tard à une correction.
Jusqu’à récemment, les investisseurs n’en avaient que pour les titres de la nouvelle économie : technologie et autres Tesla. C’est ce qui explique que la bourse américaine ait généré de meilleurs rendements.
Cette tendance s’est renversée au premier trimestre de l’année. Les 2 principaux secteurs de la bourse canadienne expliquent ce bon résultat : l’énergie à +19% et le secteur financier- qui compte à lui seul pour 31% de l’indice boursier canadien – qui a fait +13%. Le premier a bénéficié du bond de plus de 22% du pétrole et le second de la hausse des taux d’intérêt à long terme.
Comme c’est souvent le cas dans le cas de l’énergie, le renversement est particulièrement remarquable, ce secteur ayant subi une baisse de près de 31% en 2020. Le cycle est bien connu : la baisse du cours du pétrole amène une diminution de la production – notamment dans les sables bitumineux ou les coûts de production sont élevés. Lorsque l’économie prend du mieux, la demande de pétrole augmente et le cours repart en hausse…jusqu’à la prochaine fois. Comme le reste, ce cycle est tout-à-fait imprévisible.
Au Canada comme aux États-Unis, les titres de technologie ont fait du sur-place. On l’a dit plus tôt, ces titres n’aiment pas les hausses de taux d’intérêt. C’est mathématique : lorsque les taux montent, la valeur actuelle des profits futurs – qui forme la base des cours boursiers – tend à diminuer. Ce phénomène s’ajoute au fait que plusieurs considèrent que les actions de la technologie et de la nouvelle économie sont nettement surévaluées.
On doit mentionner la performance de 37% du secteur de la santé. Elle provient essentiellement du retour en force de l’industrie du cannabis – eh oui, l’industrie du cannabis est classifiée dans le secteur de la santé! – qui ne pèse malheureusement pas assez pour avoir un impact notable sur le rendement de l’indice global.
Rien ne semble vouloir arrêter la bourse américaine qui va de record en record. Les succès dans le programme de vaccination font entrevoir la fin des mesures de confinement et une poussée de croissance économique. Après l’adoption d’un plan de secours de près de 1,9 billions, l’administration Biden en remet en proposant un plan d’infrastructure qui pourrait dépasser les 2 billions.
Il n’en fallait pas plus pour convaincre les investisseurs que les actions américaines continuent d’offrir de bonnes perspectives de rendement, malgré une hausse annualisée de près de 14% depuis 10 ans.
Le gain a été de 4,7% au premier trimestre. Comme au Canada – et tel qu’on le prévoyait dans notre dernière lettre – la hausse des taux d’intérêt à long terme a provoqué un changement de leadership des titres de technologie (+2,0% sur le trimestre) vers l’énergie (+30,9%) et les titres financiers (+16,0%).
Si la hausse des taux a été suffisante pour amener un changement de leadership sectoriel, elle demeure insuffisante pour faire diminuer le ratio cours/bénéfices. Basé sur l’estimation de profits des prochains 12 mois, le ratio cours/bénéfice de l’indice S&P500 est en effet à un niveau historiquement très élevé d’environ 22x. Les actions américaines sont indéniablement chères, mais ce n’est qu’en rétrospective qu’on saura si elles étaient trop chères.
Les grandes devises se sont dépréciées face au $C : l’Euro est en baisse d’environ 5% et le Yen d’environ 8%. C’est un retour du pendule à la suite du mouvement inverse au dernier trimestre de 2020. La livre anglaise est la seule à avoir résisté à la baisse, peut-être à cause du succès de son programme de vaccination. Près de 50% des Britanniques sont vaccinés comparé à moins de 20% d’Européens.
Dans ce contexte, les actions internationales n’ont offert qu’un rendement de 2,0% en $C. La plupart des bourses internationales ont pourtant bien fait en devises locales. La bourse japonaise a généré 8,7% de rendement, la Hollande 15,7% et la Suède 18,1%.
Outre la bourse chinoise qui a fait du sur-place et le Brésil dont la gestion de la pandémie (entre autres) la classe parmi les cancres, la plupart des marchés émergents ont fait d’assez bons rendements au premier trimestre : près de 13 % à Taiwan et en Afrique du Sud et 6% en Corée du Sud.
Comme dans les autres marchés internationaux cependant, la hausse du $C a annulé une bonne partie de ces gains, de sorte que le rendement pour l’investisseur canadien est de 1,5%.
Par ailleurs, les marchés émergents n’aiment pas les hausse de taux d’intérêt et la perspective d’appréciation du $US parce que leurs dettes sont libellées dans cette devise.
La hausse des taux d’intérêt à long terme amorcée à la suite de l’élection américaine s’est accélérée au premier trimestre. Le marché avait vu juste : la victoire des démocrates à la présidence et à la chambre des représentants ouvre la porte à des augmentations de dépenses qui devront être financées par l’émission d’obligations. De 0,92% à la fin 2020, le taux sur les obligations du trésor américain échéant dans 10 ans est passé à 1,75% en fin de trimestre.
On craignait que la Federal Reserve doivent acheter toutes ces obligations que le trésor devra émettre. Ce n’est certainement pas le cas jusqu’ici, les investisseurs ayant fait des achats nets de 500 milliards d’obligations américaines au cours des 12 mois terminés en février.
Cette hausse de taux s’est soldée par un rendement de -5,0% du portefeuille obligataire au premier trimestre. Cette baisse a été compensée par la hausse des actions. L’autre bonne nouvelle est qu’on pourra désormais investir en obligations à un taux d’intérêt plus élevé.
La Federal Reserve est manifestement plus inquiète du risque de désinflation – voire de déflation – que d’inflation. Ne serait-ce que pour cette raison, il est important de ne pas déroger de notre allocation stratégique en obligations.
[1] FTSE TMX Canada UniverseXM Bond Index
[2] S&P/TSX Capped Composite Index
[3] S&P 500 Index
[4] MSCI EAFE Index
[5] MSCI Emerging Markets Investable Market Index