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L’ABC des taux d’intérêt négatifs et l’impact sur votre portefeuille

Article

Richard Morin

Mise à jour :
30
August
2019
Mise à jour :
August 30, 2019

On s’est habitué à des comptes bancaires qui rapportent peu ou pas d’intérêt, mais accepteriez-vous que votre banque vous charge 0,6% par année pour détenir votre argent ? C’est ce que UBS, une grande banque suisse se prépare à faire pour les clients dont les dépôts dépassent les 500 000 euros. Elle emboite ainsi le pas à d’autres banques suisses qui ont déjà introduit des taux d’intérêt négatifs.

Pourquoi payer la banque pour détenir notre argent ?

Les grandes banques suisses sont considérées comme « sans risque », ce qui leur attire des dépôts de gens fortunés qui cherchent à protéger leur capital. Or, ces banques n’arrivent tout simplement pas à prêter tout l’argent qu’on dépose chez elles et ainsi générer les revenus servant à payer de l’intérêt aux déposants. L’excédent est donc investi dans des obligations du gouvernement suisse ou gardé à la Banque Nationale Suisse, qui charge un intérêt négatif de 0,75%.

Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large où les banques centrales d’un nombre croissant de pays (incluant le Japon, la Banque Centrale Européenne, la Suisse, la Suède et le Danemark) « paient » un intérêt négatif sur les dépôts que les banques commerciales gardent auprès d’elles. Elles le font dans l’espoir de forcer les banques commerciales à consentir plus de prêts et ainsi raviver la croissance économique.

En raison notamment des achats massifs d’obligations par ces mêmes banques centrales, les taux négatifs se sont propagés au marché obligataire où plus de 16 trilliards de dollars d’obligations se transigent à un rendement négatif. Pour illustrer ce phénomène, le gouvernement allemand peut emprunter pour les 30 prochaines années sans payer un sou d’intérêt et même être payé pour le faire !

Tous ces efforts pour générer plus de croissance en abaissant les taux d’intérêt ont eu jusqu’ici un succès très mitigé parce que les banques centrales font face à un phénomène qui les dépasse.

D’où vient tout cet argent ?

Les baby-boomers et leurs caisses de retraite ont accumulé beaucoup d’épargne qu’ils cherchent à placer de façon sure (notamment chez les grandes banques et dans les obligations allemandes), au moment même où la croissance économique ralentit. Or, moins de croissance veut dire moins d’entreprises à la recherche de capitaux et moins d’opportunité de placement. Trop d’argent courre après des opportunités de placement somme toute limitées.

On comprend aujourd’hui que le ralentissement de la croissance économique est lui aussi un phénomène lié à la démographie. La croissance dans les pays industrialisés ralentit sans cesse depuis 50 ans. Alors qu’elle touchait régulièrement 6% jusqu’au milieu des années 70, elle a été d’à peine 2% annuellement au cours de la dernière décennie. Sur la même période, la croissance de la population de ces mêmes pays est passée d’environ 1,4% annuellement à 0,5%.

Dans ce contexte, les liquidités que les banques centrales injectent dans l’économie en abaissant les taux d’intérêt et en achetant des obligations risquent plus de créer des bulles dans les marchés financiers et dans l’immobilier que de réellement accélérer la croissance.

Un peu d’équité intergénérationnelle !

Si les banques centrales manquent d’outils, les gouvernements, eux, peuvent agir, tout en assurant un peu d’équité intergénérationnelle. Le gouvernement allemand par exemple pourrait emprunter en émettant des obligations échéant dans 30 ans – au taux actuel de -0,15% - pour financer des travaux d’infrastructures – transport en commun, routes, ponts et autres. Financées essentiellement par l’épargne des baby-boomers, ces infrastructures bénéficieraient aux générations X, Y et Z. Comme si les boomers accordaient un prêt sans intérêt aux générations suivantes !

Et le Canada ?

Les taux négatifs pourraient-ils traverser l’Atlantique et se propager au Canada ? Possible. D’abord, les tendances démographiques sont similaires des 2 côtés de l’océan. Ensuite, si les craintes de récession mondiale se concrétisent, la Banque du Canada devra utiliser les mêmes outils que la Banque Centrale Européenne – baisse du taux directeur et achat d’obligations – avec les mêmes résultats. C’est alors nous qui accorderons des prêts sans intérêt à nos enfants !

La semaine dernière PIMCO – un des plus grands gestionnaires d’obligations au monde – a évoqué la possibilité de taux d’intérêt négatifs aux États-Unis. Si c’est le cas, le Canada n’y échappera pas.

Quel impact sur nos stratégies de portefeuille ?

Pour bien comprendre l’impact sur notre portefeuille, il faut se rappeler que le prix des obligations varie à l’inverse des taux d’intérêt. Si le taux d’intérêt sur les obligations à échéance de 10 ans descend, le cours de celles que nous détenons en portefeuille augmentera. Par exemple, si le taux passe de 1,2% - qui prévaut actuellement – à zéro, le cours des obligations canadiennes que nous détenons devrait augmenter d’environ 10%. Les obligations constituent donc une police d’assurance qui limitera les inévitables dégâts au portefeuille d’actions en cas de récession.

C’est pour cette raison qu’Archer continue de détenir des obligations à échéance relativement longue dans ses portefeuilles : ce sont les seules à offrir une telle protection. Si à l’inverse les perspectives économiques s’améliorent – comme tout le monde le souhaite sauf Donald Trump ! – les gains dans notre portefeuille d’actions devraient amplement compenser les pertes du côté des obligations. On appelle ça un portefeuille équilibré.

Bonne rentrée !