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Commentaire - 1er trimestre 2024

Richard Morin

William Poulin

Mise à jour :
10
April
2024
Mise à jour :
April 10, 2024

Les actions américaines sont-elles trop cher?

La performance des actions américaines, en hausse de plus de 50% depuis leur creux d’octobre 2022 est remarquable, notamment parce qu’elles ont laissé les autres marchés loin derrière, incluant la bourse canadienne. Ce n’est pas que la bourse canadienne va mal – en hausse de 27,8% sur la même période – mais plutôt qu’elle n’arrive pas à suivre le rythme de la bourse américaine. Et cette surperformance dure maintenant depuis une décennie.

Inutile de chercher midi à quatorze heures pour comprendre que c’est la croissance des bénéfices des compagnies américaines qui explique leur performance en bourse. Les bénéfices des compagnies de l’indice S&P500 ont crû au rythme de 7,3%/année depuis 2014, comparé à 5,0% pour celles du S&P/TSX Composite. Et comme les investisseurs aiment la croissance, ils sont prêts à payer plus cher pour les compagnies américaines : leur ratio cours/bénéfice indique qu’elles se négocient à 22 fois les profits anticipés lors de la prochaine année, comparé à 15 fois au Canada et 14 fois sur les marchés européens.

Cette hausse des bénéfices est attribuable en bonne partie au secteur de la technologie et ils sont générés en grande partie à l’extérieur des États-Unis; on profite donc de l’essor de l’économie mondiale.

Alors, devrait-on réduire notre allocation aux actions canadiennes et internationales dans le portefeuille et mettre tous nos œufs dans le panier américain?

Il n’y a pas que la technologie

Quand on y regarde de plus près, il n'y a pas que dans les secteurs à forte croissance comme la technologie que les ratios cours/bénéfice sont élevés aux États-Unis. Tel que le rapportait récemment la revue The Economist1, c’est aussi le cas dans des secteurs de la vieille économie comme la finance, la consommation de base et les services publics.

Vu sous cet angle, les actions américaines peuvent paraître chères. En effet, à croissance égale pourquoi un investisseur accepterait-il de payer plus cher pour 1$ de bénéfices2 d'une compagnie pétrolière ou financière américaine que pour le même dollar de bénéfices généré par une compagnie canadienne ou internationale? C'est ce qui nous faisait dire dans notre dernière lettre trimestrielle que les investisseurs américains devraient acheter des actions canadiennes.

Cisco 2.0?

Même dans le domaine des technologies et des communications, certaines compagnies ont des ratios cours/bénéfice qui semblent très élevés. C'est le cas notamment des compagnies œuvrant dans le domaine de l'intelligence artificielle, dont Nvidia. Cette compagnie a un quasi-monopole sur les microprocesseurs nécessaires pour développer et déployer l'intelligence artificielle. Ses ventes et ses bénéfices ont littéralement explosé depuis l’été dernier, ce qui explique que le cours de ses actions est en hausse de plus de 500% depuis janvier 2023, que sa valeur boursière est maintenant de 2,3 trillions $ et que son ratio cours/bénéfices est de 76x. Afin de justifier une telle valeur boursière, Nvidia devra continuer de faire croitre ses ventes et ses bénéfices, sachant que d’autres entreprises viendront s’attaquer à son lucratif monopole. Toute une commande!

On ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec une autre compagnie bien connue – Cisco Systems – qui était aussi à l’avant-garde d’une révolution technologique et a brièvement détenu au début de l’année 2000, le titre de la plus grande compagnie au monde en capitalisation boursière. Aujourd’hui, Cisco est toujours une compagnie profitable, mais sa capitalisation boursière la classe désormais 58e au monde. Les attentes étaient manifestement trop élevées et ses actions beaucoup trop chères en 2000.

Les bons vieux dividendes

Ce qui nous ramène aux actions canadiennes, qui sont 1/3 moins chères que les actions américaines (un ratio cours/bénéfices de 15x au Canada vs 22x aux États-Unis), ou les actions américaines sont 50% plus chères que les canadiennes. Pour justifier un tel écart, les bénéfices des entreprises américaines devront continuer de croitre 50% plus rapidement que les entreprises canadiennes sur une longue période, disons une décennie.

Ce n’est pas impossible – surtout que la productivité croît plus rapidement aux États-Unis qu’au Canada – mais c’est quand même un scénario optimiste. Dans le cas contraire, l’écart entre les ratios cours/bénéfices se refermera et les actions canadiennes auront offert un meilleur rendement au cours de la prochaine décennie.

Il y a d’autres raisons d’allouer une bonne partie du portefeuille aux actions canadiennes. Comme nous l’avons maintes fois souligné, elles procurent une excellente diversification (elles sont dominées par les secteurs de la finance et des ressources) face aux actions américaines techno-centriques.

Les actions canadiennes versent aussi des dividendes nettement plus élevés que les actions américaines : 3,1% au Canada vs 1,4% aux États-Unis (S&P500). Dans un scénario de baisse prolongée du marché boursier, ces dividendes pourraient faire la différence, surtout pour un investisseur retraité en quête de revenu.

Revue des marchés

Classes d'actifsRendement en C$
1er trim.AÀD
Obligations canadiennes-1,2%-1,2%
Actions
- Canadiennes6,6%6,6%
- Américaines13,3%13,3%
- Internationales (EAFE)8,4%8,4%
- Marchés émergents4,9%4,9%

Actions canadiennes : l’or brille à nouveau

Malgré des performances moins remarquables que la bourse américaine, la bourse canadienne a tout de même connu un bon trimestre, en hausse de 6,6%.

Ce qui explique en grande partie la divergence de rendement est que le plus important secteur de la bourse canadienne, la finance (principalement les banques), n’a pu suivre le rythme de la bourse américaine, malgré un très bon rendement de 4,4% sur le trimestre. En dépit de résultats globalement positifs, les six grandes banques canadiennes ont augmenté considérablement leurs provisions pour pertes sur prêts – une indication qu’elles demeurent prudentes quant à la santé économique de leurs clients. Les banques canadiennes n’offrent pas le même potentiel de croissance que les Nvidia, Apple et Google de ce monde, mais leur solidité et un taux de dividende avoisinant 4,6% sont des atouts précieux dans un portefeuille bâti pour la retraite.

Le pétrole a rebondi cette année – en hausse de 16,1% - en raison des attaques de drones ukrainiens visant les installations pétrolières russes, ainsi que des réductions de la production de l’OPEP et de ses alliés. La hausse du prix du baril a bénéficié au secteur de l’énergie qui clôt le trimestre en hausse de 11,7%.

La commodité qui a suscité le plus d’intérêt est l’or, qui a atteint un nouveau sommet à 2 217$ l’once, en hausse de 7,5% sur le trimestre. En réaction au gel des actifs russes par les pays du G7, certaines banques centrales, notamment celle de la Chine, remplacent une partie de leurs avoirs en devises étrangères par de l’or. Cependant, cette hausse du prix de l’or n’a été que partiellement reflétée chez les compagnies minières. Le secteur aurifère dans son ensemble a clôt avec une hausse de 3,6%.

Ce fût un autre trimestre difficile pour le secteur des communications et des services publics, en baisse de 10,0% et de 2,3%, respectivement. C’est sans doute dû à la hausse des taux d’intérêt sur les obligations, ce qui rend ces dernières plus attrayantes que les actions à dividendes.

SecteurRendements
S&P / TSX
Composite
S&P 500
(en USD)
Énergie11,7%12,7%
Matières5,4%8,4%
Industrie10,8%10,6%
Consommation discrétionnaire4,0%4,8%
Biens de consommation de base3,6%6,8%
Soins de santé (incluant cannabis)17,7%8,4%
Finance4,4%12,0%
Technologie de l'information4,8%12,5%
Communication-10,0%15,6%
Services publics-2,3%3,6%

Actions américaines : tout monte…sauf Tesla

Ce sont essentiellement les mêmes facteurs qu’en 2023 – l'optimisme entourant un scénario de « soft landing » et l'enthousiasme pour l'intelligence artificielle – qui ont permis aux actions américaines de maintenir leur élan au cours du premier trimestre, avec une augmentation de 13,3% en dollars canadiens.

Ces deux facteurs ont particulièrement bénéficié aux titres du secteur des technologies et aux services de communications, en hausse sur le trimestre de 12,5% et 15,6% respectivement. En l’absence de véritable concurrence, tous les projets d’envergure d’intelligence artificielle sont contraints d’adopter les microprocesseurs de Nvidia. L’entreprise a connu un autre excellent trimestre, en hausse de plus de 80%, lui permettant ainsi de dépasser Amazon en capitalisation boursière. Signe des temps, Super Micro Computer, fournisseur de serveurs pour l’IA, a vu son titre grimper de 255% en 2024, intégrant ainsi l’indice S&P 500 et entraînant la sortie de l’entreprise d’électroménagers, Whirpool. Cette concentration croissante du marché américain en titres technologiques rappelle l'importance d’avoir un portefeuille avec une bonne diversification géographique.

Ce ne sont pas que les titres de croissance qui se sont démarqués. La hausse du prix du pétrole a également bénéficié aux titres pétroliers américains, avec une progression de 12,7% pour le secteur de l'énergie. Pour sa part, le secteur financier a affiché un rendement de 12,0% depuis le début de l’année. Les emprunteurs américains montrent une sensibilité moindre aux taux d'intérêt élevés, en raison de périodes de renouvellement hypothécaire pouvant s'étendre jusqu'à 30 ans.

Après avoir vu son titre doubler l’an dernier, Tesla a offert la pire performance des titres du S&P 500, en baisse de près de 30% sur le trimestre – alors que la demande globale pour les véhicules électriques montre des signes de ralentissement. Malgré tout, le secteur de la consommation discrétionnaire a connu un très bon trimestre, en hausse de 4,8%.

Actions internationales : encore le Japon

À l’image de l’an dernier, les bonnes performances de la bourse japonaise ont permis aux actions internationales de faire bonne figure, en hausse de 8,4% sur le trimestre (en dollars canadiens).

Après des décennies de misère, l’indice Nikkei 225 a finalement retrouvé son niveau de 1989, alors que les actions japonaises concluent le trimestre en hausse de 17,9%. D’ailleurs, les perspectives économiques encourageantes du Japon ont conduit la banque centrale à mettre un terme à son régime de taux d’intérêt négatifs, instauré en 2016 pour lutter contre la déflation. Les taux d’intérêt au Japon demeurent toutefois bien inférieurs à ceux d’autres pays, ce qui entraîne une dépréciation significative du yen. Par conséquent, le rendement des actions japonaises pour l’investisseur canadien est de 12,7% sur le trimestre.

Les marchés européens ont terminé le premier trimestre en hausse de 7,0%, alors que les récentes données continuent de montrer que les pressions inflationnistes s'atténuent. Preuve que les performances économiques ne font pas foi de tout dans les marchés boursiers, l’Allemagne a terminé le trimestre en hausse de 8,6% malgré que sa performance économique soit l’une des moins bonnes parmi les pays développés. À l’ouest de la frontière allemande, les Pays-Bas ont fait bonne figure, affichant une hausse de 17,4% sur le trimestre. Ce rendement est expliqué en grande partie par la hausse de 33% du titre d’ASML, fabricant de microprocesseurs, qui représente à lui seul 20% de l’indice.

Marchés émergents : Taïwan bat (encore) la Chine

L’indice MSCI Emerging Markets a affiché un rendement de 4,9% en dollars canadiens pour le 1er trimestre de 2024.

Tel que nous l’avions mentionné dans le commentaire trimestriel précédent, les déboires de la Chine ne datent pas d’hier, alors que les actions chinoises ont vu leur valeur fondre de plus de 50% depuis 2021. La descente s’est accentuée en début d’année – en baisse de plus de 10% en janvier – ce qui a poussé les autorités chinoises à agir afin de tenter de renverser la tendance. Les fonds d’investissement soutenus par l’État chinois ont acheté pour plus de 50 milliards de dollars d’actions de fonds négociés en bourse qui suivent les indices de référence de leur pays. Ces efforts, combinés à d’autres politiques expansionnistes de la banque centrale, ont contribué à recouvrer une grande partie de la baisse enregistrée en janvier, permettant ainsi de terminer le trimestre avec une baisse de 2,0%.

Ailleurs dans les marchés émergents, Taiwan est la bourse qui s’est le plus démarquée, en hausse de 15,9% sur le trimestre. Ce rendement est largement attribuable à l’entreprise Taiwan Semiconductor Manufacturing, l’unique fabricant des puces conçues par Nvidia. En hausse de 35% sur le trimestre, elle représente à elle seule plus du tiers de l’indice taïwanais et le plus grand poids de l'indice des marchés émergents.

La Corée du Sud et l’Inde ont également connu un bon trimestre en hausse de 6,1% et 5,1% respectivement.

Obligations : on surveille l’inflation

Le taux sur les obligations 10 ans fluctue au gré des nouvelles concernant l’inflation, et ces nouvelles ont été plutôt mitigées récemment. En effet, bien que l’inflation ait considérablement ralenti, à environ 3% (aux États-Unis) elle demeure plus élevée que la cible de 2% des banques centrales.

Dans ce contexte, le marché obligataire a légèrement augmenté ses anticipations d’inflation3 et le taux sur les obligations échéant dans 10 ans aux États-Unis est passé de 3,87% à 4,21% sur le trimestre. Au Canada, le taux 10 ans est de 3,45%, en hausse d’environ 0,35%.

Cette hausse des taux 10 ans a provoqué une baisse du cours des obligations, de sorte que le rendement du portefeuille obligataire est de -1,2% sur le trimestre.

Notes

[1] As markets soar, should investors look beyond America? The Economist, 24 mars 2024

[2] Lorsqu'on achète une action en bourse, on acquiert tout le flux des bénéfices futurs qui seront générés par la compagnie (du moins conceptuellement). On estime la somme de ces bénéfices futurs en appliquant un ratio (le ratio cours/bénéfice) aux bénéfices actuels. À croissance égale, deux compagnies œuvrant dans le même secteur devraient donc avoir des ratios cours/bénéfice similaires.

[3] On déduit les anticipations d’inflation en soustrayant le taux des obligations protégées contre l’inflation – les TIPS, présentement de 1,95% - de celui des obligations régulières – les US Treasuries, présentement de 4,21%. Les anticipations actuelles d’inflation pour les prochains 10 ans sont donc de 2,26%.